Entretien exclusif avec le Chef de l’Etat; Lire l’intégralité des propos du président Talon 

Politique

Patrice Talon : « Olivier Boko était un frère. Il est devenu un monstre »

À un peu plus d’un an de la présidentielle, le chef de l’État béninois évoque, pour JA, sa succession, sa douloureuse rupture avec son bras droit, ses relations compliquées avec le Niger et le Burkina Faso, ou encore la lutte antiterroriste. Entretien exclusif.

 

Il en a un peu assez qu’on persiste à en douter et qu’on lui redemande si telle est bien son intention : oui, il respectera la Constitution et quittera le palais de la Marina dans un peu plus d’un an, après l’élection de son successeur. « Je suis un homme de parole », répète celui qui, après deux mandats et une décennie d’exercice du pouvoir, dit souhaiter que le futur président du Bénin fasse « aussi bien et même mieux » que lui. Il aura alors 67 ans, et cet hyperactif, qui a délégué à ses deux enfants la gestion de ses affaires privées, assure ne vouloir qu’une chose : se reposer et jouer à la pétanque.

Pas sûr qu’il faille, sur ce dernier point, accorder un crédit illimité à Patrice Talon, que l’on imagine mal en paisible retraité, mais ce n’est pas ce qui préoccupe la majorité des 14 millions de Béninois. Eux ont les yeux rivés sur leur pouvoir d’achat et sur la concrétisation, dans leur vie quotidienne, des incontestables avancées réalisées depuis 2016 en termes de performances macroéconomiques et d’infrastructures. Sur ce qu’il reste à faire aussi, sur les chantiers de la lutte contre la précarité, de l’inclusion sociale, de la santé et de l’éducation, autant de domaines où les progrès ne sont jamais assez rapides.

Boko, une « tragédie intime »

À un an de l’élection présidentielle, l’élite urbaine et la classe politique ont, elles, d’autres obsessions. Les candidatures devant être déposées en octobre, chacun s’interroge sur l’identité de celui que Patrice Talon décidera de soutenir et de faire adouber par les partis de la majorité. Même si, au jeu des pronostics, la short list des postulants s’est considérablement réduite, les voies du président demeurent pour l’instant indéchiffrables. Tout comme sont encore très peu lisibles les intentions de son prédécesseur, Thomas Boni Yayi, à qui revient de facto le choix du principal candidat de l’opposition.

Sur ces sujets, mais aussi sur le regain d’insécurité dans le Nord, où les groupes jihadistes venus des pays voisins s’en prennent avec de plus en plus de violence aux forces armées béninoises, Patrice Talon a répondu en exclusivité aux questions de Jeune Afrique. Incontournable, tant elle a alimenté les tensions et les spéculations de ces cinq derniers mois, l’affaire Olivier Boko – du nom de cet ex-bras droit du président, lourdement condamné pour « complot contre l’autorité de l’État » – s’est évidemment invitée au cœur de cet entretien. Patrice Talon, qui avait jusqu’ici gardé le silence sur ce qu’il qualifie de « tragédie intime », s’exprime à ce propos pour la première fois.

Cette interview a été recueillie à la fin de février au palais de la Marina, à Cotonou, quelques heures avant que le président ne s’envole pour une visite de travail en France, à bord d’un avion d’une ligne commerciale et accompagné de quatre personnes. Là où certains de ses homologues africains ne se déplacent qu’en jet privé et flanqués, parfois, d’une centaine de suiveurs, Patrice Talon a érigé la sobriété en règle de conduite. « Pour sa visite d’État en Chine, nous n’étions que cinq à l’accompagner », souffle un ministre. Pour le PDG de Bénin inc.

« small is efficient ».

Jeune Afrique : Votre ami et confident, Olivier Boko, a été arrêté dans la nuit du 23 au 24 septembre 2024, puis jugé et condamné à vingt années de prison, le 30 janvier dernier, pour « complot contre l’autorité de l’État », avec l’ancien ministre Oswald Homéky. Comment avez-vous vécu cet épisode ?

 

Patrice Talon : Comme un drame, comme une tragédie intime. Olivier était un frère, un compagnon de fortune et d’infortune avec qui j’ai vécu l’exil, la conquête puis l’exercice du pouvoir. Je lui ai fait confiance, au point de lui déléguer nombre de prérogatives dont il me déchargeait pour me permettre de me consacrer entièrement aux multiples dossiers techniques, dans leurs plus petits détails. Il rencontrait pour moi les acteurs politiques et sociaux, les représentants de la société civile, les dignitaires religieux, et répondait à ma place à de multiples sollicitations. Il était, tout au moins l’ai-je cru jusqu’au bout, mes yeux et mes oreilles, tant il est vrai que, dans un pays comme le Bénin, le président ne peut être partout à la fois.

Ma confiance envers lui était totale au point de que je lui avais délégué le contrôle des services de renseignement et de ma propre sécurité. Au cours du procès, le chef de la Garde républicaine, le colonel Tévoédjrè, l’a dit : Olivier Boko était le seul, en dehors du président, à pouvoir lui donner des instructions.

Lorsqu’on est venu m’annoncer qu’Olivier Boko complotait contre moi, j’ai d’abord cru à des sornettes. J’étais dans le déni.

Que s’est-il passé pour que votre bras droit se retrouve derrière les barreaux de la prison de Cotonou ?

Je ne sais pas ce qui lui a pris. Pourtant, il était dit et convenu entre nous qu’autant je refusais de m’éterniser au pouvoir – et cela pour le bien du pays et de la démocratie –, autant, et pour les mêmes raisons, il était inenvisageable à mes yeux que mon successeur soit issu de ma famille ou de mon clan. Or, si un homme était de mon clan, c’était bien lui. Jamais je n’ai sérieusement pensé qu’Olivier Boko convoitait la fonction que j’occupe.

Cet objectif était pourtant devenu explicite avec le lancement, en juillet 2023, du mouvement OB 26, qui ne se cachait pas de promouvoir la candidature de votre fidèle second à l’élection présidentielle.

Figurez-vous que, lorsqu’on est venu m’annoncer cela, j’ai d’abord cru à des sornettes. Puis, les preuves de cet activisme commençant à s’accumuler, je me suis dit : « Quand viendra-t-il me voir pour crever l’abcès et m’en parler ? » Comme il ne donnait aucun signe en ce sens, j’ai fini par l’interroger. Il m’a répondu que tout cela se faisait à l’insu de son plein gré, mais qu’il fallait bien laisser les gens s’exprimer. Je l’ai écouté, à demi rassuré.

En fait, il faut le reconnaître, j’étais dans le déni. Cela me paraissait à la fois invraisemblable venant de lui, et techniquement irréalisable. Comment pouvait-il croire qu’une candidature solitaire, en dehors des partis, puisse prospérer, dans la mesure où le code électoral stipule que seuls les candidats désignés par un parti sont en mesure de compétir ? Je crois que c’est à partir du moment où il s’est rendu compte que cette voie était une impasse qu’il a commencé à penser au pire. En réalité, ce n’était pas, comme je l’ai longtemps cru, un caprice d’enfant gâté de sa part, mais bel et bien une volonté déterminée d’exercer le pouvoir, tout le pouvoir, quitte à me déposer.

Le fait qu’il souhaitait vous succéder n’était pas votre volonté.

Mais en quoi était-ce illégitime ?

Ça ne l’était pas, vous avez raison. J’avais beau ne pas y être favorable pour les motifs que je vous ai dits, sa candidature aurait très bien pu s’imposer à moi. Olivier Boko devait, pour cela, comme le prévoit la loi, se faire adouber par un parti. Pourquoi n’a-t-il pas suivi ce processus démocratique et a-t-il préféré l’usage de la force pour aller jusqu’au bout de son rêve ? Aujourd’hui encore, cette question me taraude.

La Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) a jugé Olivier Boko coupable d’avoir planifié un coup d’État. Selon vous, que comptait-il faire de votre personne ?

Je l’ignore. Je ne pense pas qu’il entrait dans les intentions de MM. Boko et Homéky d’attenter à ma vie. Mais le déroulement d’un coup d’État est toujours imprévisible et nul n’est à l’abri d’un dérapage sanglant.

Olivier Boko s’était entouré d’une cour de flatteurs qui l’encourageait dans son ambition. C’est cela qui l’a perdu.

Lors de son procès, que ses avocats ont d’ailleurs boycotté, Olivier Boko ne s’est que très peu exprimé si ce n’est pour nier les faits qui lui étaient reprochés. N’est-ce pas préjudiciable à l’acceptabilité du verdict aux yeux de l’opinion ?

Il n’a rien dit parce que les faits parlent d’eux-mêmes et qu’il n’avait rien à répondre, si ce n’est avouer et exprimer ses regrets. Sans doute espère-t-il ainsi instiller dans l’opinion l’idée qu’il s’agit d’un procès politique. La tactique est connue.

Quand et comment le colonel Tévoédjrè vous a-t-il informé de l’existence d’un complot ?

À la mi-août 2024, au retour de mes vacances. Il a demandé à me voir. Je l’ai reçu. « Monsieur le président, m’a-t-il dit, il y a quelque chose de grave dont je dois vous parler et qu’il vous sera pénible d’entendre. J’ai été contacté par l’ex-ministre Oswald Homeky afin de perpétrer un coup d’État contre vous, pour le compte de M. Olivier Boko. » Il a continué en me donnant les détails de leur rencontre. J’étais abasourdi, et ma première réaction a été de lui dire de couper tout contact avec ces gens. « Je ne peux pas, m’a répondu le colonel, ce putsch, ils vont le tenter par d’autres moyens. Ils sont déterminés. Ce n’est pas une affaire familiale, c’est une affaire d’État. »

Je suis sorti quelques minutes pour me rafraîchir le visage, j’ai réfléchi, puis je lui ai dit : « Colonel, faites ce que vous commande votre devoir. » Quelques jours plus tard, il est revenu me voir, après une nouvelle rencontre avec les comploteurs. Ces derniers s’étaient dit disposés à lui remettre une forte somme d’argent – 1,5 milliard de F CFA – pour l’aider à convaincre ses subordonnés de la Garde républicaine de le suivre dans cette aventure. C’est là que je me suis réellement rendu compte que cette histoire était sérieuse.

Regrettez-vous d’avoir confié autant de pouvoirs à M. Boko et de lui avoir offert autant d’occasions de s’enrichir personnellement ?

J’ai ma part de responsabilité, bien sûr. Sans m’en rendre compte, j’ai créé un monstre qui, telle une araignée, avait méthodiquement tissé sa toile dans tous les milieux de la vie publique : politiciens, magistrats, services de sécurité, hommes d’affaires. Comme, avant chaque nomination, il était chargé de me présenter le CV des candidats, il s’en attribuait le mérite auprès des intéressés. Il s’était entouré d’une cour de flatteurs qui l’encourageait dans son ambition. Et c’est cela qui l’a perdu.

Avez-vous échangé avec lui, depuis son arrestation ?

Non. J’ai espéré un message de regrets et d’excuses de sa part, en vain. Je n’en suis pas étonné outre mesure, vu la personne qu’il est devenu, mais cela me fait encore souffrir.

Malgré vos multiples déclarations annonçant que vous n’irez pas au-delà de votre second mandat, qui s’achève en 2026, un doute persiste au sein d’une partie de l’opinion. Tiendrez-vous cet engagement ?

Cette question m’agace. Elle dénote le mépris que nous-mêmes et les autres avons de nos propres institutions. La poseriez-vous sous d’autres cieux ? Je ne le pense pas. J’ai moi-même renforcé la Constitution pour stipuler que nul ne pourra exercer plus de deux mandats dans sa vie, et je serai le premier à la violer ? Une énième fois, je vous le redis : non, je ne serai pas candidat.

La question vous agace, mais elle est compréhensible, à l’heure des troisièmes, voire des quatrièmes mandats sur le continent… C’est justement en cela, entre autres, que le Bénin se distingue des autres.

Avez-vous en tête le profil de la personne que vous souhaiteriez voir vous succéder ?

Évidemment. Le prochain président du Bénin sera mon président, celui de mon pays, de ma famille, de ma communauté et de tout ce qui m’est cher. Il est évident que je serai attentif à ce qu’il n’ait pas pour projet de déconstruire les réformes que nous aurons accomplies en dix ans grâce aux efforts et aux sacrifices de tous les Béninois. Mon choix, mon action et mes prières seront orientés vers le meilleur des candidats.

Maintenant que le Bénin a atteint son altitude de croisière, il est temps de changer de pilote.

Ce choix est-il déjà fait ?

C’est en cours. Je le dirai clairement le moment venu, mais le plus tard possible, afin de ne pas perturber inutilement l’action gouvernementale. Nous avons, pour l’instant, d’autres priorités.

Recherchez-vous votre double ? Votre photocopie ?

Certes non. Ce serait un manque d’humilité de ma part. L’idéal serait qu’il soit meilleur que moi. En l’espace de dix ans le Bénin a franchi un cap décisif. C’est devenu un pays sérieux, respecté, performant. L’équipe qui prendra la relève devra être capable de transformer l’essai, de maintenir le cap et la dynamique. Surtout, les Béninois doivent se convaincre que ces progrès, ils les doivent à eux-mêmes beaucoup plus qu’à l’action d’un seul homme. Maintenant que le Bénin a atteint son altitude de croisière, il est temps de changer de pilote.

Votre prédécesseur, Thomas Boni Yayi, entend, dit-on, prendre sa revanche en soutenant de nouveau un candidat contre celui que vous aurez choisi. Pourquoi n’êtes-vous pas parvenus à vous entendre ?

Je n’ai aucun problème personnel avec l’ancien président Boni Yayi, et je ne pense pas qu’il en ait avec moi de nature à ce qu’il veuille se venger. Peut-être nous retrouverons-nous autour du même choix, qui sait ?

Quelles sont vos relations avec votre adversaire de 2016, l’exPremier ministre Lionel Zinsou ?

Excellentes. Il est, aujourd’hui, un acteur impliqué à mes côtés et je le félicite pour son action.

L’ancien président de l’Assemblée nationale, Adrien Houngbédji, qui est membre de la majorité présidentielle, s’est récemment distingué par des propos critiques à l’encontre de votre gouvernance. Que s’est-il passé ?

Ces propos sont un leurre.

Mais encore ?

Je ne souhaite pas en dire plus.

Deux personnalités de l’opposition, Reckya Madougou et Joël Aïvo, sont en prison depuis 2021. L’ONU demande leur libération, et certains de vos pairs sont intervenus en leur faveur auprès de vous. Les considérez-vous comme des détenus politiques ?

Absolument pas. Ce sont des acteurs politiques condamnés et détenus, ce qui est différent. Nulle part dans le monde faire de la politique ne fournit une quelconque immunité pour couvrir des actes délictueux.

Comptez-vous user de votre droit de grâce avant votre départ ?

Non. Si je le faisais, cela reviendrait à confirmer que les péchés commis sous le couvert de la politique sont plus pardonnables que les autres, et ce serait injuste.

Pourquoi laisser ce problème à votre successeur ?

Si le prochain président estime que la politique entre parmi les critères d’attribution des grâces, libre à lui. Mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.

L’opposition a réclamé un audit du fichier électoral, ce qui lui a été accordé. Mais elle demande également que le code électoral, retouché en mars 2024, soit revu. Quelles garanties de transparence offrez-vous pour le prochain scrutin présidentiel ?

En ce qui concerne le scrutin, ma réponse est claire : il n’y a jamais eu, au Bénin, de contestation postélectorale pour des motifs de fraude. Ce qui signifie qu’à aucun moment les résultats n’ont été manipulés. C’est, pour nous, un acquis et une distinction que nous devons préserver. Quant au code électoral il est, par essence, toujours perfectible, mais ses dispositions s’appliquent de façon équanime, sans avantager personne. Il ne faudrait pas que quelqu’un, fût-il un ancien président, en tire prétexte pour ne pas aller aux élections.

Depuis le début de 2025, dans nord du Bénin, les affrontements entre l’armée et des groupes jihadistes venus du Burkina Faso et du Niger sont en recrudescence, et de plus en plus violents. Cela vous inquiète-t-il ?

C’est évident. Certes, ces incursions ne vont pas au-delà des zones frontalières, mais notre armée est confrontée à des groupes terroristes qui évoluent en toute liberté dans des sanctuaires désertés par les forces de défense et de sécurité des deux pays que vous venez de citer, ce qui leur permet de s’y regrouper et d’attaquer en masse.

Nous serions bien plus efficaces si nous pouvions les poursuivre audelà de nos frontières pour les détruire. Hélas, nos relations avec nos voisins se sont dégradées et rendent la chose impossible, ce que je regrette.

Il n’y a aucune coopération sécuritaire entre le Bénin, le Niger et le Burkina Faso ?

En ce qui nous concerne, aucune. Nous les relançons régulièrement, en leur expliquant qu’une telle coopération non seulement nous permettrait de sortir de la situation de conflit asymétrique que nous subissons, mais servirait leurs propres intérêts sécuritaires. Nous n’obtenons pas de réponse. En attendant, nous faisons le maximum d’efforts pour renforcer nos propres lignes de défense et, si je puis dire, pour « blinder » le Bénin contre le terrorisme.

Avec l’aide de qui ?

De tous ceux qui peuvent nous aider dans différents domaines : formation, technologie, fourniture d’équipements comme les drones et les avions de reconnaissance, renseignement. Qu’ils soient Américains,

Français, Russes, Allemands, Italiens, Belges, Rwandais, Sénégalais, Togolais. Avec le Togo, notre assistance sécuritaire mutuelle fonctionne parfaitement.

Le 25 décembre dernier, le général Tiani, qui préside la transition au Niger, a accusé le Bénin d’abriter sur son sol une base d’entraînement de terroristes qui visent à déstabiliser son pays.

Vous en a-t-il transmis des preuves ?

Non, aucune. Mais je ne souhaite pas trop m’exprimer là-dessus. Il ne faut pas jeter de l’huile sur le feu. Je souhaite un apaisement de nos relations avec le Niger, afin que la coopération reprenne, dans notre intérêt mutuel.

Le président de la transition burkinabè, le capitaine Traoré, a formulé les mêmes accusations. Vous a-t-il, lui, présenté des preuves ?

Non. Quand on dispose de ce genre de preuves, en général, on les expose publiquement.

Soyons clairs : y a-t-il des implantations militaires étrangères, en particulier françaises, dans le nord du Bénin ?

Écoutez, ce type d’implantations, même tenues secrètes, finissent toujours par être dévoilées et leur existence, documentée. Il n’y a évidemment rien de tel sur le sol béninois. Je veux croire que ceux qui nous accusent se trompent de bonne foi : en voyant les travaux de modernisation de nos lignes de défense frontalières ils se sont sans doute dit que ce ne pouvait qu’être l’œuvre de militaires occidentaux.

Ce qui, je le répète, n’est pas le cas.

La dette extérieure du Bénin s’élève à 45 % du PIB. Malgré un taux de croissance de 6,5 % et des notations positives de la part des agences spécialisées, n’est-ce pas excessif ?

L’important n’est pas la dette en soi, même si elle doit demeurer soutenable. L’important, c’est qu’elle serve à construire une économie saine et à produire de la richesse. C’est toute la différence entre une bonne et une mauvaise dette. La nôtre est investie dans des secteurs qui boostent directement le PIB, et le taux de recouvrement de nos ressources intérieures est dix fois supérieur à la progression de la dette.

C’est une dette de qualité. Une dette vertueuse.

Le Bénin ne peut pas gagner au loto, il n’a pas un sous-sol mirifique, ce qui ne rend que plus remarquable sa trajectoire de développement.

Le Bénin fait toujours partie des pays où l’indice de développement humain est considéré comme faible et où le taux de pauvreté, bien qu’en régression, s’élève à 35 %, selon la Banque mondiale. Sur ce plan, beaucoup reste à faire…

Certainement, mais ce qui importe avant tout, c’est de répondre aux questions suivantes : le Bénin est-il sur la bonne voie ? La politique et les investissements produisent-ils leurs effets pour que la pauvreté recule ? La richesse produite est-elle mieux partagée ? Le pouvoir d’achat, le Smig, augmentent-ils peu à peu ? À chaque question, la réponse est oui.

Je n’ai jamais prétendu détenir une baguette magique ni cherché à bercer les Béninois d’illusions démagogiques. Le Bénin ne peut pas gagner au loto, il n’a pas un sous-sol mirifique, ce qui ne rend que plus remarquable sa trajectoire de développement. Les Béninois sont désormais capables de construire par eux-mêmes un développement durable et soutenable. Leur logiciel mental a changé, et cette révolution silencieuse est, je crois, irréversible.

Le port de Cotonou souffre du maintien, par la partie nigérienne, de la fermeture de la frontière commune, mais aussi de la concurrence de celui de Lomé, qui a capté une partie du trafic.

Cette concurrence vous paraît-elle loyale ?

L’économie est faite d’opportunités et je ne reproche rien au port de Lomé. Le Bénin et le Niger traversent une période de froid affectif, la frontière est fermée, et les opérateurs nigériens n’ont d’autre choix que de transiter par Lomé, même si les coûts et les risques sont plus élevés sur la partie burkinabè du trajet. Je note, par ailleurs, qu’une partie du trafic direct entre le Niger et le Bénin s’est orientée vers le secteur informel, en traversant le fleuve presque au vu et au su de tout le monde. Il fallait s’y attendre, et c’est compréhensible.

En neuf années d’exercice du pouvoir, avez-vous changé ?

On n’est jamais le même. On évolue. On se patine. On s’assouplit.

Transformer le Bénin quitte parfois à forcer la marche, oui bien sûr. Mais avec plus de patience, moins d’empressement. Sans doute suis-je passé de la fougue à la sagesse.

Quand on vous accuse de dérive autoritaire, cela vous blesse ?

Non. Je connais mon caractère, je sais qu’il est fort et qu’il peut donner cette impression. Mais elle est caricaturale. Il s’agit en réalité de volonté, d’une ferme volonté. Je suis déterminé, je suis capable d’acharnement pour obtenir des résultats. Je sais aussi reculer quand il le faut ou que l’on me démontre que j’ai tort. Je ne suis pas obstiné.

Vous aviez une ambition : favoriser l’émergence d’un « Béninois nouveau ». Y êtes-vous parvenu ?

Je crois que oui. L’état d’esprit de mes compatriotes a profondément changé. Et c’est sans doute la plus belle chose que nous ayons réussie ensemble.

Après l’élection de mon successeur, je serai politiquement inexistant. Je respecterai mon devoir de réserve.

Que ferez-vous au lendemain de l’investiture de votre successeur, dans un peu plus d’un an ?

Sortir, me promener dans les rues, aller au marché faire mes courses, au cinéma, sur la plage, jouer à la pétanque, tout cela me manque. Je suis pressé d’être un consommateur des progrès de mon pays, pressé d’être le témoin des réalisations de mon successeur qui, je le souhaite, fera mieux que moi.

Mais vous savez que cela se passe souvent mal, entre un président sortant et son successeur. Les exemples ne manquent pas…

Sans doute parce que les sortants rechignent à redevenir de simples citoyens et veulent rester des acteurs. Ce ne sera pas mon cas. Je serai politiquement inexistant.

Y compris quand votre successeur prendra des décisions qui ne vous plairont pas ?

En tant que citoyen, j’aurai mon jugement, mais je respecterai l’obligation de réserve. Par ailleurs, inexistant ne signifie pas inactif, et je n’exclus pas de jouer un rôle social particulier. Mais je n’ai aucune ambition, aucune envie de m’occuper de ce qui ne me regardera plus.

Quelques bribes du questionnaire de Proust, pour conclure. Votre principale qualité ?

La détermination.

Votre principal défaut ?

L’acharnement.

La qualité que vous appréciez le plus chez les autres ?

La performance.

Le défaut que vous ne supportez pas ?

La déloyauté.

Quelle a été votre plus grande réussite dans la vie ?

Avoir changé les paradigmes du Bénin et des Béninois.

Votre plus grand regret ?

D’avoir perdu mon meilleur ami, après avoir contribué à faire de lui un

 

Si vous deviez être réincarné en un animal, lequel choisiriez-vous ?

Le dauphin.

Le jour de votre mort, qu’aimeriez-vous que Dieu vous dise en vous accueillant ?

« Tu as été de bonne foi en toutes choses et tu as fait de ton mieux. » Si Dieu en juge ainsi, je serai comblé.[Suivez plus d’actualité en vous abonnant gratuitement à notre chaîne WhatsApp👇https://whatsapp.com/channel/0029VaDRmSrJJhzhSaGmWF2c

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