Ils ne passent jamais inaperçus dans la capitale économique de la Côte d’Ivoire. En effet, les mini bus appelés Gbaka, sont intimement liés au quotidien des abidjanais. Entre incivisme des apprentis, les règles élémentaires de conduite foulées au pied…, l’apparence est souvent trompeuse. Après quelques jours d’immersion dans l’environnement des Gbaka à travers quelques communes d’Abidjan, Oxygène média va au-delà des clichés grâce à ses envoyés spéciaux.
✍️Ignace NATONNAGNON
Notre baptême dans un Gbaka a démarré tôt ce matin du 7 avril 2025. L’itinéraire choisi : Yopougon (Siporex) – Songon (Sous préfecture située à l’Ouest d’Abidjan). Un tronçon d’environ 25 km qui concentre une majeure partie du trafic routier à partir de la commune de Yopougon. À première vue, l’aspect des Gbaka est trompeuse, tellement l’extérieur est bien entretenu avec de jolies peintures et parfois de très beaux motifs décoratifs. Mais, il faut être à l’intérieur pour constater qu’il s’agit de mini bus d’une autre époque à qui, les mécaniciens et autres artisans ont redonné une seconde voire troisième vie, le temps pour les propriétaires d’en tirer une mane financière non négligeable avant leur amortissement définitif.
Le chargement au carrefour Siporex
Centre névralgique dans l’univers du transport en commun à Abidjan, Siporex est le point de départ et d’arrivée de la majorité des Gbaka à Yopougon. << … Pas de temps à perdre, chacun se cherche. … Ici, c’est le plus rapide qui gagne clients…>> confie S. Koffi, conducteur de Gbaka qui assure la ligne Yopougon – Adjamé. Après quelques minutes dans les coins et recoins de ce géant parc à ciel ouvert et à perte de vue, nous finirons par trouver un Gbaka en direction de Songon, grâce à l’apprenti Gbaka Jacques.
Avec une vingtaine de passagers à bord, l’apprenti Gbaka, d’un gestuel que nous finirons par comprendre en cours de route, fait signe au chauffeur. Il s’agit d’un coup de poing sur la portière latérale coulissante ou, grâce à une grosse bague portée à un doigt, l’apprenti frappe la portière de façon frénétique. Le chauffeur comprend qu’il s’agit de démarrer ou de s’arrêter. Tout au long du trajet, les passagers seront perturbés par ces bruits incessants à chaque arrêt ou redémarrage du Gbaka. De Siporex à Songon, une quinzaine d’arrêts pour décharger ou charger des passagers. Lavage – carrefour Jacqueville- Kassamblé- Mairie – Gravier – Bimbresso – La gare… sont entre autres, les arrêts qui ont retenu notre attention.
Apprentis Gbaka / passagers : relation compliquée
Avec une apparence assez distinctive, les apprentis sont pour la plupart, sous l’emprise des substances douteuses et en conflit avec le bain et la lessive. Par ailleurs, en dehors de l’aspect physique assez atypique, ces derniers se distinguent par leur mode de communication basé essentiellement sur le »nouchi ». Une drôle de façon de s’exprimer propre aux ivoiriens qui consiste à mélanger le français normal à des mots fabriqués ou tirés des dialectes locaux avec de grands gestes de bras.
Pas une seule journée sans dispute dans l’exercice de leur travail. Dans plus de 90 % des cas, la question de la monnaie est au centre des embrouilles avec les passagers. Et ça finit presque toujours avec des disputes très énergétiques. Selon les médias locaux, le pire est déjà arrivé il y a quelques mois avec deux morts d’hommes.

Chose curieuse, les apprentis Gbaka ne se reprochent rien. Approché pour en savoir un peu plus sur la nature des relations avec les clients, Ahmed B., apprenti Gbaka dans la vingtaine à peine rencontré à Siporex a été clair : « … C’est pour nous vous avez vu ? Les clients sont trop compliqués. On leur dit de monter avec la monnaie mais ils ne le font jamais. On ne sait pas comment ils sont, mais ils font tout pour énerver les gens… >>
Les clients vous reprochent souvent de consommer des drogues. Vrai ou faux ? À cette question, notre vis-à-vis a tenté de ne pas répondre mais, après un long soupir, Ahmed B. confie : << … Le travail n’est pas facile…>> Son regard et l’aspect de ses yeux ce jour-là en disent long. Inutile de poursuivre l’exercice, au risque de l’agacer. Une source anonyme à Siporex nous confie discrètement que mêmes les chauffeurs de Gbaka sont sous l’emprise de café noir, alcool, drogues…
Des opportunités florissantes et de rentabilités
Derrière cette apparence de difficultés ambiantes, en réalité, l’activité n’est pas mal selon des chauffeurs de Gbaka rencontrés sur la ligne Siporex- Adjamé. En moyenne, la recette journalière se situe entre 30 000 FCFA et 38 000 FCFA. La recette varie cependant en fonction du trafic et des lignes. À en croire les acteurs rencontrés, la meilleure ligne à Abidjan pour les Gbaka, c’est la ligne Adjamé – Bingerville. Rappelons que les chauffeurs ont des comptes à faire aux propriétaires des Gbaka.

Les apprentis Gbaka quant à eux perçoivent entre 4000 FCFA et 5000 FCFA par jour pour le travail de chargement effectué. S’ils sont habiles, ils peuvent se faire des recettes additionnelles puisque c’est eux qui se chargent de la collecte du transport chez les passagers. Les chauffeurs étant concentrés au volant, ils ne maîtrisent pas souvent tout ce qui peut se passer entre les instants de remises de monnaies aux clients.
Le lavage du Gbaka, une tradition à Abidjan
Après une journée de travail assez mouvementée, une autre entité s’affiche dans cette chaîne des valeurs du transport en commun et tire des revenus non moins négligeables. Il s’agit des stations de lavage. En effet, tous les soirs à partir de 20h, les chauffeurs de Gbakas viennent nettoyer leur précieux outil de travail. L’équipe de reportage a fait une descente dans trois stations de lavage dans la commune de Yopougon, à quelques encablures du Centre Hospitalier Universitaire (CHU). De 21h à 00h, nous assistons au ballet incessant de Gbakas. Au moins soixante défilèrent sous nos yeux pour une séance de lavage. À en croire un commis au lavage, ça dépend. Si c’est l’extérieur seul du Gbaka, le prix est connu, c’est 1000 FCFA. Pour l’intérieur, nous négocions. Karim B., chauffeur affirme : << … mon Gbaka doit être jolie pour reprendre le travail demain…>>

Cadre légal et réglementaire
En apparence, les acteurs semblent évoluer dans un no man’s land… Erreur ! Le secteur est bien encadré. La régulation des taxis communaux voire publics à Abidjan repose sur un ensemble de lois et de règlements spécifiques définis par plusieurs textes et lois en Côte d’Ivoire. Voici quelques informations importantes à connaître :
Décret n°2015-269 du 22 avril 2015 : Ce décret établit les conditions d’accès à la profession de transporteur et d’exercice de l’activité de transport routier. Il est également applicable aux taxis communaux.
Loi n°2014-812 du 16 décembre 2014 : Cette loi, connue sous le nom de LOTI (Loi d’Orientation du Transport Intérieur), concerne l’orientation du transport intérieur en Côte d’Ivoire. Elle peut également s’appliquer aux taxis communaux.
Ordonnance n°2019-99 du 30 janvier 2019 : Cette ordonnance modifie certains articles de la loi LOTI, notamment les articles 3, 4, 8, 9, 10 et 25. Elle peut avoir un impact sur les règles régissant les taxis communaux.
Décret n°2016-864 du 03 novembre 2016 : Ce décret réglemente l’usage des voies routières ouvertes à la circulation publique. Il peut également contenir des dispositions applicables aux taxis communaux.
Source : Lois & Réglementations – Autorité de la Mobilité Urbaine dans le Grand Abidjan |AMUGA
Il existe également des syndicats de transporteurs assez discrets qui font un travail d’assainissement appréciable selon certains acteurs. Toutefois, le chemin est encore long au regard des nombreuses tendances lourdes observées dans cet univers des transports en commun, notamment des Gbaka à Abidjan.

Outre les Gbaka, le flux et le reflux des autres moyens de transports en commun à savoir les Worô Worô ou taxis banalisés, taxis communaux, Taxis compteurs sans oublier les bus de grande capacités… sont symptomatiques d’une dynamique positive de l’économie des transports dans la capitale économique de la Côte d’Ivoire.Suivez plus d’actualité en vous abonnant gratuitement à notre chaîne WhatsApp👇https://whatsapp.com/channel/0029VaDRmSrJJhzhSaGmWF2c
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