Le voile se lève peu à peu sur la nuit du 7 décembre qui a failli faire basculer le Bénin. Le colonel Dieudonné Djimon Tévoédjrè, commandant de la Garde républicaine, a livré un témoignage rare sur le déroulement exact de la tentative de coup d’État menée par le lieutenant-colonel Tigri et ses hommes. C’était au cours d’une interview qu’il a accordée à nos confrères de RFI.Tout bascule à 2h10 lorsque le colonel Tévoédjrè reçoit deux alertes successives : le général Bertin Bada et le général Abou Issa sont attaqués à leurs domiciles par des hommes cagoulés. L’officier y voit immédiatement une opération organisée visant l’État. Il rejoint sans délai son unité pour diriger la riposte. Vers 5h, la résidence présidentielle devient la cible principale. Tévoédjrè s’y trouve déjà aux côtés du président Patrice Talon et de son épouse. Le chef de l’État choisit de rester sur place malgré la situation, tandis que les tirs s’intensifient autour de la résidence. Les échanges de feu durent près de 45 minutes. Les mutins, accompagnés de blindés, tentent d’emprunter plusieurs ruelles pour contourner les forces loyalistes, mais la réaction rapide de la Garde républicaine les disperse. Le camp loyaliste enregistre un mort et un blessé. Mis en échec, les assaillants prennent la direction de l’ORTB pour y diffuser un message destiné à légitimer leur opération. Les forces loyalistes neutralisent un blindé, provoquant la fuite du groupe. Les mutins se replient ensuite sur la base militaire de Togbin. Située au cœur de l’agglomération, la zone complique toute intervention directe, en raison des risques pour les populations civiles. L’armée béninoise encercle alors le site et opte pour une approche prudente. À 18h, un avion nigérian intervient, sous mandat de la Cédéao, afin de mener des frappes ciblées sur les blindés pouvant servir à une nouvelle offensive. Un appareil de reconnaissance français repère les positions des mutins et facilite l’opération. Plus tard, des Forces spéciales françaises arrivées d’Abidjan appuient le ratissage aux côtés des unités béninoises. ( Suivre tout le témoignage via notre chaîne TV)👇
Les assaillants abandonnent la base et prennent la fuite. Les deux généraux enlevés plus tôt sont retrouvés plusieurs heures après à Tchaourou, signe qu’une partie des mutins a pris la route du nord. Le colonel Tévoédjrè refuse de commenter d’éventuels commanditaires ou soutiens externes, estimant que ces investigations relèvent des services de renseignement. Quant au lieutenant-colonel Tigri, il reste introuvable. Pour Tévoédjrè, l’essentiel demeure la cohésion et la maturité de l’armée béninoise, qui a su préserver les institutions au moment le plus critique. Cette nuit, selon lui, démontre que le Bénin n’est pas un terrain propice aux aventures putschistes qui se multiplient dans la région.

