Lors des débats en séance plénière dans la nuit du 14 au 15 novembre 2025, le député Bio Sika Abdel Kamel Ouassangari a livré une intervention percutante contre la proposition de modification de la constitution. Il juge cette réforme de précipitée et la qualifie de «coup de force» visant à verrouiller le pouvoir à l’approche des élections présidentielles.
L’intégralité de son intervention 👇
«Merci Monsieur le Président
J’espère que la lumière ne sera pas coupée pendant mon intervention.
Honorables députés, chers collègues, peuple béninois
Nous faisons face, une fois de plus, à une tentative de coup de force constitutionnel. Nous sommes donc ici, face à un projet qui menace la stabilité et l’âme de notre république : une nouvelle révision de la constitution, présentée à moins de six mois de la fin du mandat présidentiel et en plein processus électoral. Quel est ce besoin d’urgence ? Quelle est cette précipitation qui foule au pied la décence républicaine ?
Le Président de la République affirmait n’avoir “besoin de personne pour assurer ses arrières”. Nous comprenons aujourd’hui que c’est lui-même qui s’emploie à bétonner ses arrières avant de quitter le pouvoir, au prix de l’avenir de la nation.
Chers Collègues
Qu’est-ce qui fait si tant peur au pouvoir actuel pour ne pas laisser tranquille son successeur ? l’urgence d’une révision constitutionnelle à l’agonie de son second mandat n’est pas un acte de bonne gouvernance, c’est un aveu de faiblesse. Sachez que cette peur n’est pas celle de l’avenir de la nation, mais celle de l’avenir personnel et la pérennité d’un système bâti sur mesure.
Chers Collègues
Ce projet nous présente un Président élu pour sept (07) ans, des députés elus pour sept (07) ans, des conseillers communaux et municipaux élus pour sept (07) ans et un SENAT dont les membres, non élus, se voient conférer des pouvoirs qui excèdent ceux de l’Exécutif, du législatif, du judiciaire et de l’armée. Où est la souveraineté populaire dans cette architecture ? Nous sommes en train de créer une chambre de contrôle post-mandat, un conseil des gardiens de la rente qui musèlera toute alternance réelle. Nous assistons à la création d’un Président sous tutelle dès 2026. Même le candidat de la majorité, s’il venait à être élu sera une marionnette une vraie en face de ce SENAT. Quelle est cette hantise, cette peur du vide démocratique, qui nous pousse à créer une monarchie républicaine après l’écartement du candidat du parti Les Démocrates des élections présidentielles du 12 avril 2026 ? L’ombre de la Mauritanie, de l’Angola ou du Sénégal avec la crise SONKO et DIOMAYE actuellement hante certains esprits. Mais n’oublions jamais que le Bénin est le laboratoire de la démocratie africaine. Nous rappelons donc la sagesse du Père fondateur de l’indépendance, le président Hubert Koutoucou MAGA, qui disait : “l’alternance est la respiration d’une démocratie”. Aujourd’hui, on veut étouffer cette respiration ! On veut verrouiller le Bénin pour des décennies. C’est inacceptable !
Chers Collègues
Nous ne sommes pas dupes des manœuvres qui se jouent dans les coulisses. Nous connaissons le prix de cette résistance. Nous sommes ceux qui avons résisté aux promesses de financement à hauteur de plus de trois milliards de fracs CFA, ainsi qu’aux possibilités de positionnement sur les listes de candidatures des partis politiques de la mouvance présidentielle. Nous sommes ceux qui avons résisté aux assauts inacceptables du Directeur des Services de Renseignement de l’État, dont la mission noble de lutte contre le terrorisme est dévoyée pour devenir une agence de débauchage politique et de pression sur les élus de la nation. Ceci est une honte ! Nous ne courbons pas l’échine devant l’argent ou l’intimidation ! L’intégrité n’a pas de prix. Nous faisons nôtre la formule du Président Nelson MANDELA : “Le vrai leader est celui qui est prêt à sacrifier ses rêves personnels pour le bien de la communauté.” Nous sommes les gardiens du temple républicain, ceux qui, en votant contre cette reforme, vous sauveront, vous tous, de ce qui vous attend après les présidentielles d’avril 2026. L’histoire nous jugera non pas sur l’épaisseur de nos comptes bancaires, mais sur la force de notre conviction.
A vous qui aviez tant jouir des ressources de ce pays, nous disons : cessez ! Arrêtez ! Laissez la jeune génération s’épanouir ! Le Bénin a une âme et la légitimité populaire est la seule qui vaille. Le Bénin ne peut être un gâteau à partager par un clan au détriment de la majorité. Et à nos forces armées, nous faisons écho au grand Président Mathieu KEREKOU : “l’armée est pour le peuple et non pour un individu, fût-il Président de la République” Restez dans les casernes ! Votre honneur est dans votre neutralité et dans votre engagement à défendre la patrie et les institutions, non un homme ou un clan !
Chers Collègues
Pourquoi vouloir changer les règles du jeu au cours du jeu alors que le processus électoral est en cours ? Rester député n’est pas une fin en soi. Restons digne et en phase avec le peuple. Nous sommes ici aujourd’hui pour empêcher que cette révision constitutionnelle ne devienne l’acte final de la corruption du pouvoir. Notre vote est un acte de courage, un rempart contre l’impunité et l’hypothèque de notre souveraineté. Pour le Bénin, pour nos enfants, je nous invite tous à voter contre ce projet qui ne sert que l’arrière garde d’un seul homme, Non par opposition stérile, mais par défense de la démocratie, de l’alternance et de l’espoir béninois !
Je vous remercie.»

