En résidence à l’Espace Culturel Le Centre, l’artiste visuelle et réalisatrice Sahar El Echi a présenté, le samedi 3 mai 2025, une étape de son projet consacré aux profondes transformations urbaines qui redessinent Cotonou. Devant un public varié, dont de nombreux enfants, elle a dévoilé un extrait de son œuvre en cours, inscrite dans une réflexion plus large sur la gentrification et ses répercussions sociales.
La vidéo présentée observe de près les bouleversements provoqués par les vastes chantiers engagés dans la capitale économique. À travers les quartiers de Wlacodji, de la berge lagunaire et de la Route des Pêches, l’artiste met en évidence les déplacements forcés de riverains et les fragilités économiques qui en découlent.
L’un des témoignages les plus frappants est celui d’un coiffeur, plusieurs fois déguerpi, désormais contraint d’exercer dans la rue, faute de local. « Je travaille sur les espaces en mutation et sur l’urbanisation », explique Sahar El Echi, qui a déjà exploré des réalités similaires en Tunisie et à Casablanca. Intriguée par l’ampleur des transformations de Cotonou, elle s’intéresse à la manière dont un territoire en reconstruction peut perdre une partie de sa mémoire et de son identité. Ce projet s’inscrit dans un triptyque consacré à trois villes en transition, qu’elle ambitionne de diffuser au-delà de sa résidence béninoise.
Urbanisation : un développement porteur de tensions sociales
Présent lors de la restitution, un artiste plasticien – qui préfère garder l’anonymat – salue la pertinence du travail présenté : « Le sujet touche tout le monde. L’urbanisation apporte du développement, mais elle crée aussi de nombreuses difficultés. Certains commerçants se plaignent de se déplacer si souvent que leurs clients ne les retrouvent plus ». Il appelle à un meilleur accompagnement des populations concernées par les délocalisations.
De son côté, l’artiste plasticien Mahoussi Ahodoto met en avant le choix esthétique fort opéré par Sahar El Echi : l’absence de visages dans la vidéo. Un parti pris conforme, selon lui, à une réalité culturelle : « Le Béninois n’aime pas apparaître à l’écran, et l’œuvre le traduit avec justesse ».
Pour Berthold Hinkati, Directeur de l’Espace Culturel Le Centre, cette présentation s’inscrit pleinement dans l’esprit du Work In Progress, rendu possible grâce au partenariat entre Le Centre, l’Institut français du Bénin et l’Ambassade de France.
« Elle nous amène à aborder la gentrification, un concept sociologique majeur dans la transformation des espaces. C’est également une satisfaction de constater l’implication des enfants, au cœur de notre démarche de médiation culturelle », souligne-t-il.

