Le 16 novembre 2024, le Gabon a franchi une étape décisive dans son processus de transition politique avec l’adoption par référendum d’une nouvelle Constitution.
Proclamée le vendredi 29 novembre 2024 par la Cour constitutionnelle, cette réforme fondamentale marque une rupture nette avec les pratiques du passé et ouvre la voie à des élections présidentielles prévues pour août 2025. La nouvelle loi fondamentale, soutenue par 91,64 % des suffrages exprimés, cristallise les ambitions du régime militaire qui a pris le pouvoir après le coup d’État d’août 2023.
Un appui populaire solide, mais mesuré
Bien que l’adhésion populaire à la nouvelle Constitution soit massive, avec plus de 91 % de « oui » enregistrés, la révision des chiffres de participation a mis en lumière un taux de participation plus modeste que prévu initialement. Le ministère de l’Intérieur avait annoncé un taux de 53,54 %, tandis que la Cour constitutionnelle a révisé cette estimation à 54,18 %. Un résultat qui, tout en restant significatif, soulève des interrogations sur l’engagement réel des Gabonais dans ce processus de changement. Le nombre total des suffrages exprimés, 416 382, sur un total de 853 028 inscrits, traduit une participation moins enthousiaste que ce que les autorités auraient espéré, compte tenu de l’enjeu historique de la réforme.
Un pas vers l’élection présidentielle de 2025
L’adoption de cette nouvelle Constitution, après un dialogue national largement porté par le gouvernement militaire et ses soutiens, représente un point de non-retour dans la transition qui a commencé avec la chute de la famille Bongo. Si l’on se réfère aux déclarations du général Brice Oligui Nguema, président de la transition, il ne fait aucun doute que la nouvelle loi fondamentale est perçue comme un acte de réconciliation nationale et de modernisation politique. D’un mandat présidentiel de sept ans, non renouvelable qu’une seule fois, à l’abolition de la possibilité d’une transmission dynastique du pouvoir, cette réforme entend symboliser une rupture avec les décennies de gouvernance autoritaire.
Le général Oligui Nguema, qui a pris le pouvoir en août dernier après un coup d’État militaire contre Ali Bongo Ondimba, a salué ce référendum comme une étape historique. Bien qu’il ait promis de rendre le pouvoir aux civils dans le cadre des élections de 2025, son propre avenir politique semble déjà s’esquisser dans cette nouvelle architecture institutionnelle. Avec une Constitution qui instaure un régime présidentiel renforcé, sans Premier ministre, les pouvoirs du chef de l’État sont élargis, ce qui soulève des questions sur l’équilibre des pouvoirs et la pérennité de la transition vers un régime démocratique.
Des garanties de pérennité et de stabilité
Un des aspects les plus novateurs de cette Constitution est la proclamation d’articles intangibles, notamment la limitation des mandats présidentiels et l’instauration d’une élection au suffrage universel direct, autant de garanties visant à prévenir une dérive autocratique. L’institution d’une « fête de la libération », en mémoire du coup d’État de 2023, marque également un tournant symbolique, tout en imposant une amnistie générale pour les événements survenus durant cette période de turbulences.
Cependant, l’inclusion de ces garanties soulève une question cruciale : cette nouvelle structure politique permettra-t-elle réellement une transition fluide vers un régime démocratique, ou est-ce avant tout un instrument pour solidifier le pouvoir militaire au détriment des aspirations populaires à une gouvernance plus transparente et inclusive ?
L’Incertitude
Alors que le général Oligui Nguema s’apprête à rendre le pouvoir aux civils dans les mois à venir, une question demeure : quel sera le rôle du peuple dans la nouvelle République ? Si les réformes sont perçues par certains comme un progrès indéniable, d’autres y voient une occasion pour l’armée de maintenir un contrôle étroit sur le processus politique. L’absence d’une opposition structurée et forte, ainsi que la rapidité avec laquelle ces réformes ont été adoptées, font de cette transition un pari incertain pour l’avenir politique du Gabon.
Dans l’attente des élections présidentielles de 2025, cette nouvelle Constitution pourrait bien être un outil à double tranchant. D’un côté, elle répond à la nécessité de moderniser le pays et de redonner une légitimité au processus démocratique ; de l’autre, elle pourrait renforcer une mainmise du pouvoir militaire sur les affaires politiques. Le Gabon entre ainsi dans une phase délicate de son histoire politique, où l’équilibre entre promesses de démocratisation et risques de stabilisation autoritaire devra être scruté avec attention.
Bérenger HOUNHOUEGNON