Phénomène social, la prostitution a traversé les époques et s’adapte aujourd’hui à l’évolution technologique. Les célèbres coins de rues ou ruelles de Jonquet, Vodjè, les alentours du Centre de Promotion de l’artisanat, hall des arts, Ceg Gbégamey, Ceg Godomey… ont perdu aujourd’hui toute leur notoriété. Non pas parce que le »travail du sexe » a disparu. Bien au contraire, ce sont des prostituées de type nouveau qui ont déserté les rues pour se retrouver sur les réseaux sociaux. Bizi girls elles se font appeler désormais.
Facebook, WhatsApp, Tik tok… pour ne citer que ceux-là sont les plateformes en ligne qui servent depuis quelques années d’antichambres à la prostitution dans sa version moderne. Avec des noms qui renseignent sans grande difficulté sur l’activité menée, il existe une ribambelle de groupes de sexe sur WhatsApp et le business autour du sexe tourne à plein régime sur toute l’étendue du territoire national. Le mode opératoire des bizi girls est connu. Tout commence avec de courts messages publiés dans ces groupes. » … Bonjour à tous ! Je suis disponible pour vos plans. Tarifs très intéressants, interressé Inbox… » » … Disponible appels vidéos sexy, éjaculation garantie. Inbox si vous êtes intéressé… » Juste après, elles envoient de courtes vidéos ou des images montrant clairement leurs parties intimes ou carrément leurs exploits sexuels avec d’autres clients.
S. Francine, dans la vingtaine, mère célibataire en location à une quinzaine de kilomètres au nord de Cotonou ne se cache plus pour attirer de potentiels clients dans plus de 35 groupes WhatsApp exclusivement dédiés au sexe. À en croire ses propos, l’activité n’est pas mal. Justement, à la question de savoir comment la tarification se fait, elle a souri avant de poursuivre : << … Ça dépend ! Un coup chez moi c’est 8 000 FCFA, deux coups 15 000 FCFA. La nuitée c’est 25 000 FCFA… >> Pour agrémenter ou pimenter les séances de jambes en l’air, plusieurs pratiques ou positions en dehors de celle classique connue de tous sont proposées. Entres autres, la Levrette (très appréciée d’ailleurs selon les spécialistes), la fellation (pipe dans le jargon), la sodomie, le partouze (Partie de débauche au cours de laquelle les participants dont le nombre excède généralement quatre, pratiquent l’échange des partenaires et se livrent à des activités sexuelles collectives et simultanées) ; tout ceci avec ou sans préservatif… Naturellement les prix sont fixés en fonction des désirs ou fantasmes des clients à satisfaire.
Rebecca A. partage avec trois copines, un appartement au luxe déroutant à la périphérie de Cotonou vers l’Ouest. << … Je trouve en moyenne entre 70 000 FCFA et 140 000 FCFA par mois… >> dit-elle, avec une certaine assurance. Plus loin, elle parle du loyer sans donner plus d’indications sur le montant. << … Chacun gère ses clients et nous cotisons pour payer le loyer… >>
Pour maximiser leurs chances d’avoir beaucoup de clients, elles ne lésinent pas sur les moyens pour rendre ostentatoires, leurs attributs sexuelles, parfois à l’aide de produits chimiques avec tous les risques que celà comporte. Ainsi, généralement, se sont de belles femmes aux corps de rêve et au teint à faire pâlir d’envie de se laisser aller qui sont dans le réseau. D’ailleurs, combien d’hommes arrivent à résister encore à la tentation ? Puisque si le sexe business en ligne compte de plus en plus d’adhérentes, c’est parce que la clientèle ne cesse d’augmenter de façon vertigineuse. Aucune statistique n’est disponible pour avoir une idée de l’étendue et de l’ampleur du phénomène mais une chose est sûre, la majorité des jeunes femmes y sont et apparemment, elles arrivent à joindre les deux bouts. Mais…
Les risques encourus sont inversement proportionnels aux gains ou tout ce qu’elles peuvent espérer gagner à la fin du mois. Ella V. raconte sa mésaventure. << … Il y a deux ans, j’ai été sollicitée par un monsieur. J’ai quitté Togba pour Èkpè et après négociation nous sommes passés à l’acte. À la fin, il a usé de stratagème pour me laisser en cours de chemin sans payer la prestation alors que je n’avais rien sur moi le jour là. C’est grâce à des bonnes volontés, membres de certains groupes WhatsApp que je suis rentrée…>> Ces cas sont légions et elle peuvent encore s’estimer heureuses. D’autres ont carrément été contaminées et traînent des infections ou maladies sexuellement transmissibles.
Il est un secret de Polichinelle que les temps sont durs et tous les chemins mènent à Rome dit-on mais, la prostitution en ligne ou le bizi est – il la panacée pour faire face aux difficultés existentielles ?
Derrière l’apparence de femmes heureuses qu’elles dégagent à première vue, se cache une montagne d’équations non résolues. Chacune d’elle a son histoire. Goût du luxe, gain facile, mauvaise compagnie, absence de soutien familial… sont entre autres, ce qui peut expliquer l’atterrissage des filles dans ce réseau infernal que constitue l’industrie du sexe.
Une fois qu’elles y ont pris goût, il est difficile de quitter même si une minorité arrive à tourner dos définitivement à l’enfer têtu du sexe business. C’est le cas de Jessica qui a témoigné a visage découvert sur une émission de télé réalité très suivie au Bénin. D’autres peuvent aussi lui emboîter le pas si elles veulent véritablement le faire. Difficile peut-être mais pas impossible.
D’ailleurs, Alain Mabanckou a dit : << Les femmes tombent parfois dans la prostitution parce que c’est plus facile de transformer son corps en marchandise que son cerveau en un instrument de réflexion… >>
Ignace NATONNAGNON